L'éducation
aux émotions
Pour gérer ses émotions, chaque individu.e puise dans des compétences qu’il.elle a développé.e.s au cours de sa socialisation comme la connaissance de soi, la capacité à nommer ses émotions, la confiance, ou l’empathie. Ces compétences ne sont pas les mêmes entre les filles et les garçons, en raison d’une socialisation aux émotions et aux sentiments différenciée.
Les garçons apprennent davantage à maîtriser leurs émotions, à les contenir, pour correspondre au stéréotype de l'homme fort et infaillible. Lorsque l’on demande à Kelyan, 6 ans quelles émotions il ressent le plus souvent, il nous répond : «Jamais triste, heureux des fois et en colère tout le temps».
Au contraire, on inculque aux filles une plus grande palette d'émotions et on attend d'elles une certaine sensibilité, fragilité, tout en masquant leur colère. On peut trouver un super podcast de Victoire Tuaillon de la série «Les couilles sur la table» qui traite de ce sujet.

Dans sa thèse sur l’enfance des sentiments : la construction et l’intériorisation des normes et représentations genrées et androcentrées de l’amour chez les enfants de 6 à 11 ans, Kevin Diter doctorant en sociologie, nous explique que les filles vont avoir une plus grande capacité à exprimer leur émotions car les adultes qui les entourent se soucient davantage de leur bien être sentimental.

Leurs jeux tournent beaucoup autour de l’amour et de l’amitié, comme dans les histoires qu’elles lisent et les vêtements qu’elles portent, souvent couverts d’inscriptions comme «I love you».
C’est avec elles que professeur.e.s et animateur.rice.s discutent plus volontiers du sentiment amoureux. Au contraire, l’attention portée aux émotions et sentiments sera moins fréquente pour les garçons et les encadrants auront tendance à être moins empathiques avec eux. «Avec les garçons, ces conversations sont davantage teintées d’ironie», constate Kevin Diter. D’ailleurs, quand on interroge les garçons sur l’amour, ils disent plus fréquemment que c’est dégoûtant ou se montrent mal à l’aise.
Dans la fabrique des garçons, Sylvie Ayral, doctorante en sciences de l’éducation, nous explique qu’à l’école, les garçons subissent une double pression : on leur dit qu’il faut être obéissant, appliqué… Mais s’ils sont trop sages, leur camarades vont les traiter «d’intellos», de «gonzesses» ou même de «soumis». Implicitement, on s’attend à ce que les garçons soient indisciplinés, rebelles, fumistes. Cette pression exercée par les pairs est naturalisée par l’école : «les garçons sont naturellement plus turbulents, moins appliqués, etc.» entend-on régulièrement. Pour un garçon «la seule émotion qu’on va tolérer socialement, c’est la colère et les débordements qui vont avec».