Occupation de l'espace
dans la classe
En classe, on observe des attitudes différentes entre les filles et garçons. Ce sont en grande majorité ces derniers qui occupent et dominent l’espace sonore : ils coupent la parole, répondent à la place des autres, font fréquemment du bruit pour signaler leur présence, bougent beaucoup. À la différence des filles qui demandent presque systématiquement l’autorisation pour prendre la parole, leurs comportements sont marqués le plus souvent par l’attention, l’écoute et le calme. Elles sont plus silencieuses, plus discrètes, plus passives, et déploient des stratégies qui consistent à demeurer dans l’ombre et à laisser l’espace aux garçons.
Une occupation du temps et de l’espace inégalitaire
Dans un article, Nicole Mosconi, philosophe et professeure des sciences de l’éducation, cherche à comprendre comment les pratiques enseignantes fabriquent de l’inégalité entre les sexes?
Des enquêtes vidéos qu’elle réalise dans des classes montrent qu’en moyenne 2/3 des interactions profs/élèves en classe ont lieu avec des garçons, contre 1/3 avec les filles. Ces chiffres dissimulent une norme implicite favorisant les garçons, la preuve étant que lorsque que l’on essaie de rétablir un traitement égal, les garçons se sentent négligés, et les enseignant.e.s partagent ce sentiment.
Ainsi, une norme implicite de neutralité consiste pour un.e enseignant.e à favoriser les garçons en temps d’attention et à avoir plus de tolérance pour leur indiscipline. Ces interactions véhiculent aussi un message caché : il est légitime que les filles reçoivent moins d’attention et de temps que les garçons, car leur place est secondaire, elles doivent prendre moins de place physiquement et intellectuellement.

L’enseignant.e intègre à son insu dans ses pratiques la dominance sociale du groupe masculin. On observe également un double standard : un maître écrit sur ses élèves «Brahim et Imad, très vivants» alors que «Sarah est perturbatrice».
Des différences dans la qualité des interactions
Nicole Mosconi montre qu’en plus des différences de temps accordés, il existe des différences dans la qualité des interactions entre un.e enseignant.e et une fille ou un.e enseignant.e et un garçon de même position scolaire. On aura plus tendance à dire à un garçon «explique», «réfléchis», «tu comprends» alors qu’on dira plutôt à une fille : «fais-le», «écris-le» ou encore «dis-nous».

Elle observe aussi que les filles sont plutôt interrogées pour rappeler des savoirs vus lors des séances précédentes alors que les garçons sont plutôt interrogés pour construire des savoirs nouveaux. Inconsciemment, on a encore tendance à penser que les garçons réussissent par leur capacités alors que les filles réussissent par leur travail.
Ces différences d’attentes des professeurs, peuvent expliquer des différences d’orientation et de perception de soi. En effet, les performances d'un sujet varient, en fonction du degré de croyance en sa réussite. Ainsi un.e élève dont le professeur.e aura de plus grandes attentes en mathématiques, aura tendance à progresser dans ce domaine.

Les enseignant.e.s contribuent donc à constituer un rapport au savoir différent pour les filles et pour les garçons. La mixité n’est qu’apparente et on éduque inconsciemment les deux sexes à un apprentissage de leurs positions sociales et cognitives inégales.