Petite histoire
de la langue française
La langue française contribue à l’invisibilisation des femmes en utilisant le masculin comme forme neutre. C’est au cours du siècle des Lumières que les règles d’usage de la langue française telles que nous les connaissons aujourd’hui ont été établies. Ces réformes ont été proposées par des hommes pour asseoir leur pouvoir sur le sexe opposé de façon implicite dans le quotidien.
En grammaire le masculin ne l’a pas toujours emporté sur le féminin
Jusqu'au 18e siècle, on utilise l' accord de proximité. On accorde l’adjectif en genre et en nombre avec le dernier nom. Ainsi, on écrit par exemple : Les femmes et les hommes sont gagnants, ou Les hommes et les femmes sont gagnantes.
Puis l’accord de proximité est remplacé par la règle «quand les deux genres se rencontrent, il faut que le plus noble l'emporte» ( Abbé Bouhours, 1628-1702), le genre le plus noble désignant évidemment le genre masculin, comme l’explique le grammairien Beauzée (1717-1789) : «Le genre masculin est réputé plus noble que le féminin à cause de la supériorité du mâle sur la femelle». C'est cette règle que l’on apprend toujours à l'école sous la forme Le masculin l'emporte toujours sur le féminin.
poetesse Curieuse disparition
De la même manière, un grand nombre de métier féminin ont curieusement disparu de notre vocabulaire.
Avant le 17e siècle, on emploie régulièrement les mots philosophesse, poétesse, autrice, mairesse, capitainesse, médecine, peintresse, etc. Tous ces mots sont supprimés pour ne garder que leur forme masculine, et ce afin d'empêcher les femmes d'être légitimes dans ces professions. Certains métiers conservent en revanche leur version féminine, tels que boulangère, un métier qui ne représente pas de pouvoir intellectuel, ou encore actrice, qui renvoie à un métier lié au corps et non à la réflexion. poetesse Cette réforme va très loin, puisqu’on va jusqu'à changer le genre de nombreux noms communs. Ce qui est négatif, mou ou considéré comme féminin est associé aux femmes, alors que ce qui est positif ou puissant revient aux hommes. Le mot erreur, par exemple, qui est initialement masculin devient féminin (tiens donc!).
C’est par le biais de l’école primaire que ces règles se généralisent et ce n’est que lorsque celle-ci devient obligatoire (en 1881) qu’elles commencent à être appliquées massivement.
erreur

Un héritage un peu lourd
Aujourd'hui le masculin est utilisé comme catégorie universelle, neutre. Ce qui participe à invisibiliser les femmes. Ces dernières se retrouvent exclues de la langue car les termes ne sont que rarement féminisés. La forme masculine des mots, est en effet considérée comme la forme régulière de la langue tandis que le féminin est présenté aux élèves comme une forme irrégulière.

L'écriture inclusive propose de changer nos règles de grammaire pour inclure systématiquement le féminin dans la langue française. Cela passe principalement par deux mesures:
-Utiliser la forme des mots au féminin, autrice par exemple ou présidente, et parler des auteur.ices au pluriel ou des auteurs et des autrices.
-Réintroduire l’accord de proximité. En novembre 2017, 314 enseignant.e.s et professeur.e.s signent une tribune qui dénonce la masculinisation de force de la langue française, et proposent à leurs classes d’utiliser l’accord de proximité.

«la répétition de cette formule [«le masculin l’emporte toujours sur le féminin»] aux enfants, dans les lieux mêmes qui dispensent le savoir et symbolisent l’émancipation par la connaissance, induit des représentations mentales qui conduisent femmes et hommes à accepter la domination d'un sexe sur l'autre, de même que toutes les formes de minorisation sociale et politique des femmes»
démonce Éliane Viennot, professeur de littérature.
La même année, la maison d’édition Hatier propose le premier manuel scolaire écrit en écriture inclusive. «La langue dit ce qu’est une société. Je ne vois aucune logique au fait que le masculin l’emporte. Je considère qu’on doit veiller à ce que les mots qu’on emploie soient le plus possibles proches de la société qu’on entend promouvoir» Gérard Biard, journaliste chez Charlie Hebdo.